Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/454

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La foudre en sourds éclats roule et se tait trois fois ;
Le vent gronde et s’apaise ; et marchant à leur tête,
Sur le bord de l’abîme où retentit leur voix,
Le vieux Chef des Bardes s’arrête.
Les frimas sur son front s’élèvent entassés,.
Sa barbe en flots d’argent descend vers sa ceinture,
Il abandonne aux vents sa longue chevelure,
Et semble un vieux héros des temps déjà passés.
Dans ses yeux brille encor l’éclair de sa jeunesse ;
On voit se déployer dans sa main vengeresse
Un étendard ensanglanté ;
Et, pareil à l’Esprit qui poursuit les coupables,
Sa voix tombe en cris formidables
Sur le vainqueur épouvanté.


LE CHEF DES BARDES.

« Du haut de la céleste voûte
Fingal me voit, Fingal m’écoute :
Vous m’écoutez aussi, par la crainte troublés,
Saxons ; mais votre crainte est l’aveu de vos crimes :
Vous êtes les bourreaux, nous sommes les victimes ;
Nous menaçons et vous tremblez !
Edouard, vers nos murs tu guides tes bannière ;
Réponds : que t’ont fait nos guerriers ?
Les a-t-on vus, chassant tes tribus prisonnières,
Porter la mort dans tes foyers ?
Qui de nous d’une paix antique et fraternelle
A violé les droits trahis ?
Qui de nous par les flots d’une horde infidèle
A vu ses remparts envahis ?
Ton seul silence est ta réponse.
Voilà donc ces exploits dont ton bras s’applaudit ?…
Arrête et courbe-toi : car ma bpuche prononce
L’arrêt du Dieu qui te maudit.
Prince, qui ris de nos misères,
Édouard, crains du sort les faveurs mensongères,
Crains ces forfaits heureux que l’Enfer t’a permis ;
Tu portes sur ton front les célestes colères.
Ne te crois pas jugé par tes, seuls ennemis,
Songe à tes descendans, souviens-toi de tes pères…
Connais tes juges et frémis.