Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/490

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nobles guerriers d’une clameur funèbre
Frappaient les bords du Don et les rives de l’Ebre,
Grâce à toi, bien souvent, dans ce brillant Paris,
Un pompeux Te Deum fut l’écho de leurs cris.
Bien souvent… mais pourquoi rappeler tes mensonges ?
Le temps a d’Attila dissipé les vains songes ;
Les sceptres qu’il conquit en sa main sont brisés
Et, comme ses honneurs, tes honneurs sont passés.
Tu ne vois plus la foule à ta flèche mouvante
Fixer de longs regards d’espoir ou d’épouvante,
Et maint nouvel OEdipe essayer de prévoir
Le sort du lendemain dans tes signaux du soir.
Aujourd’hui le bourgeois, qu’un vague ennui promène,
Te jette un œil distrait qui t’interroge à peine ;
Car nos grands roitelets et leurs petits débats,
S’ils l’excèdent souvent, ne l’intéressent pas.

Si trois cents villageois, pour chômer une fête,
S’assemblent par milliers, l’arme au bras, l’aigle en tête,
Et, du sanglant bonnet, se parant sans dessein,
S’en vont danser sous l’orme en sonnant le tocsin,
Tu portes aux ultras, sans frein dans leur colère,
Les ordres modérés de ce bon ministère [1].
D’autres fois tu répands, chez vingt peuples surpris,
Qu’une sombre terreur agite nos esprits,
Qu’il existe un complot, que les guerres civiles
Vont ravager nos champs et désoler nos villes,
Et qu’un témoin trop sûr a vu, près du château,
Trois généraux ultras causer au bord de l’eau.
Parfois encor, tu dis à l’Europe en alarmes
Que la France est en deuil et Paris dans les larmes,
Car Monseigneur, trottant sur un coursier trop prompt,
S’est, en tombant de peur, fait une bosse au front.

Pourtant, quoique déchu, tes rapides nouvelles
Font encor de nos jours tourner bien des cervelles.
Que de Serre, un matin, perde tout à-la-fois
Le sens qu’il eut un jour, les sceaux qu’il eut neuf mois,
Que l’abbé

  1. Voir les Moniteurs de septembre dernier, le mémoire du général Donadieu, les rapports et discours de M. le comte de Caze, etc.