Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/491

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se retire, et qu’enfin, sans mystère,
Le trône ait trouvé grâce auprès du ministère,
Combien ces bruits, au loin portés par ton secours,
Vont changer de projets, de serments, de discours !
Varius, qui toujours déserta les églises,
Ce soir même, au sermon mènera trois marquises ;
À ce vieil émigré, qu’il rencontre en chemin,
Il promet aujourd’hui, pour demander demain ;
Voyez comme il surprend, par son nouveau langage,
Le pauvre homme, moins fait au respect qu’à l’outrage :
« — Votre parti me plaît : pour partager son sort,
En tout temps j’ai brûlé de le voir le plus fort,
Et quand sur nos ventrus il lançait l’anathème,
J’ai pu dire autrement : mais je pensais de même.
Souvent j’ai ri tout bas, quand l’abbé confondu,
Cachait un déficit sous un mal-entendu,
Assiégeait la tribune, et, fier du parallèle,
Répondait en causant à l’éloquent Villèle.
Je m’indignais de voir se glisser au bureau
Le beau-père attentif qui comptait son troupeau,
Ou le centre affamé, désertant la séance,
Payer cent mille écus le rôt d’une excellence ;
Ou Bar**te, éludant un orateur chagrin,
Vivre en prince, aux dépens de vingt commis sans pain.
J’admirais avec vous tous ces nobles courages
Par qui le trône enfin survit à tant d’orages ;
Et lorsqu’un pair voulut, pour la France alarmé,
Voir le sénat du, peuple aux factieux fermé,
Je blâmais cette loi qu’osait flétrir son zèle
Et je parlais pour lui, tout en votant pour elle… »
Ce n’est pas tout ; Monsieur proteste, avec chaleur,
Qu’il a des vrais français respecté le malheur.
Les privés, suivant lui, sont une race infâme ;
Monsieur aima toujours le roi, du fond de l’âme ;
Et, quoiqu’un sot journal en ait dit par erreur,
Monsieur chez lui souvent a ri de la Terreur.
On se quitte : et notre homme, en l’ardeur qui l’enivre,
Contre les libéraux déjà rêve un gros livre.

Télégraphe ! ô quel coup pour son cœur affligé !
Hélas ! le lendemain ton langage est changé.
«