Le trône est sans appui ; la charte électorale
Répand dans vingt cités le trouble et le scandale ;
Nos préfets sont les seuls qu’attirent leurs repas,
Et l’agitation marche encore à grands pas ;
Grâce aux ultras, que perd leur haine irréfléchie,
Les ministres du Roi vont suivre l’anarchie ;
Car, redoublant partout ses efforts triomphants,
L’anarchie au sénat vomit tous ses enfants. »
Que fera Varius ? Pensez-vous qu’il balance ?
Varius haletant court chez son excellence ;
Il sort tout radieux, et sans perdre un instant,
Va courtiser Étienne, et saluer Constant.
Il fuit ces émigrés, à face féodale ;
Leur nombre est un fléau, leur luxe est un scandale.
La Renommée, enfant qui languit nouveau-né,
Doit à sa jeune ardeur un centième abonné ;
Il lit jusqu’à Tissot, souscrit pour Sainneville,
Et pare son salon d’un plan du champ d’asile.
Villèle est, à l’entendre, un fanatique ardent,
De Pradt sait le français, Fiévée est un pédant ;
Les nobles, le clergé sont faits pour nos insultes,
Il faut un protestant pour ministre des cultes…
En un mot, monseigneur, qu’il vit hier au bain,
Veut qu’on soit libéral : il s’est fait jacobin.
Rien ne l’arrête ; il ose, et sans art et sans honte,
Flatter l’abbé-baron, excuser l’abbé-comte ;
Devant leurs valets même il met bas son chapeau ;
Car enfin, un boucher peut devenir bourreau [1].
Moi qui, dans tout excès, cherche un juste équilibre,
Loin des indépendants je prétends vivre libre ;
Heureux, si par l’effroi de mes hardis pinceaux,
Je fais rugir le crime et grimacer les sots.
Je veux, en flétrissant leur audace impunie, —
Adorer la vertu, rendre hommage au génie :
Car le temps d’Azaïs a vu naître Bonald,
Et s’il fût plus d’un Brune, il est un Macdonald.
Vengeur des Vendéens, je t’admire et je t’aime ;
Mais le talent m’est cher dans un libéral même,
Étienne me fait rire, et parfois j’applaudis
Dans l’Ermite déchu l’esprit qu’il eut jadis.
- ↑ Témoin cet habitant de Versailles, d’abord boucher, puis député de la Convention et régicide. Les crimes de cet homme furent grands : mais nous croyons devoir ajouter que son repentir les a, sinon effacés, du moins rendus pardonnables.