Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

XXXII

POUR LES PAUVRES.

Qui donne au pauvre prête à Dieu.
V. H.


Dans vos fêtes d’hiver, riches, heureux du monde,
Quand le bal tournoyant de ses feux vous inonde,
Quand partout à l’entour de vos pas vous voyez
Briller et rayonner cristaux, miroirs, balustres,
Candélabres ardents, cercle étoilé des lustres,
Et la danse, et la joie au front des conviés ;

Tandis qu’un timbre d’or sonnant dans vos demeures
Vous change en joyeux chant la voix grave des heures,
Oh ! songez-vous parfois que, de faim dévoré,
Peut-être un indigent dans les carrefours sombres
S’arrête, et voit danser vos lumineuses ombres
Aux vitres du salon doré ?

Songez-vous qu’il est là sous le givre et la neige,
Ce père sans travail que la famine assiège ?
Et qu’il se dit tout bas : « Pour un seul que de biens !
À son large festin que d’amis se récrient !
Ce riche est bien heureux, ses enfants lui sourient.
Rien que dans leurs jouets que de pain pour les miens ! »

Et puis à votre fête il compare en son âme
Son foyer où jamais ne rayonne une flamme,
Ses enfants affamés, et leur mère en lambeau,
Et, sur un peu de paille, étendue et muette,
L’aïeule, que l’hiver, hélas ! a déjà faite
Assez froide pour le tombeau !