Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/213

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Où t’abattant comme la bombe
Tu vins tomber, tiède et fumant !
Garde ton âpre Sainte-Hélène
Où de ta fortune hautaine
L’œil ébloui voit le revers ;
Garde l’ombre où tu te recueilles,
Ton saule sacré dont les feuilles
S’éparpillent dans l’univers !

Là, du moins, tu dors sans outrage.
Souvent tu t’y sens réveillé
Par les pleurs d’amour et de rage
D’un soldat rouge agenouillé !
Là, si parfois tu te relèves,
Tu peux voir, du haut de ces grèves,
Sur le globe azuré des eaux,
Courir vers ton roc solitaire,
Comme au vrai centre de la terre,
Toutes les voiles des vaisseaux !


VII

Dors, nous t’irons chercher ! ce jour viendra peut-être !
Car nous t’avons pour dieu sans t’avoir eu pour maître !
Car notre œil s’est mouillé de ton destin fatal,
Et, sous les trois couleurs comme sous l’oriflamme,
Nous ne nous pendons pas à cette corde infâme
Qui t’arrache à ton piédestal !

Oh ! va, nous te ferons de belles funérailles !
Nous aurons bien aussi peut-être nos batailles ;
Nous en ombragerons ton cercueil respecté !
Nous y convierons tout, Europe, Afrique, Asie !
Et nous t’amènerons la jeune Poésie
Chantant la jeune Liberté !