Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/230

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Vous vivez, vous brillez, vous ne voyez pas même,
Tant vos yeux éblouis de rayons sont noyés,
Ce qu’au-dessous de vous dans l’ombre on foule aux pieds !

Oui, c’est ainsi. — Le prince, et le riche, et le monde
Cherche à vous réjouir, vous pour qui tout abonde.
Vous avez la beauté, vous avez l’ornement ;
La fête vous enivre à son bourdonnement,
Et, comme à la lumière un papillon de soie,
Vous volez à la porte ouverte qui flamboie !
Vous allez à ce bal, et vous ne songez pas
Que parmi ces passants amassés sur vos pas,
En foule émerveillés des chars et des livrées,
D’autres femmes sont là, non moins que vous parées,
Qu’on farde et qu’on expose à vendre au carrefour ;
Spectres où saigne encor la place de l’amour ;
Comme vous pour le bal, belles et demi-nues ;
Pour vous voir au passage, hélas ! exprès venues,
Voilant leur deuil affreux d’un sourire moqueur,
Les fleurs au front, la boue aux pieds, la haine au cœur !

Mai 1832.