Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/401

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Tandis que ces cités, dans leur cendre enfouies,
Furent pleines jadis d’actions inouïes,
Ivres de sang versé,
Si bien que le Seigneur a dit à la nature :
Refais-toi des palais dans cette architecture
Dont l’homme a mal usé !

Aussi tout est fini. Le chacal les visites ;
Les murs vont décroissant sous l’herbe parasite ;
L’étang s’installe et dort sous le dôme brisé ;
Sur les Nérons sculptés marche la bête fauve ;
L’antre se creuse où fut l’incestueuse alcôve.
Le tigre peut venir où le crime a passé !

VIII


Oh ! dans ces jours lointains où l’on n’ose descendre,
Quand trois mille ans auront passé sur notre cendre
A nous qui maintenant vivons, pensons, allons,
Quand nos fosses auront fait place à des sillons,
Si, vers le soir, un homme assis sur la colline
S’oublie à contempler cette Seine orpheline,
O Dieu ! de quel aspect triste et silencieux
Les lieux où fut Paris étonneront ses yeux !
Si c’est l’heure où déjà des vapeurs sont tombées
Sur le couchant rougi de l’or des scarabées,
Si la touffe de l’arbre est noire sur le ciel,
Dans ce demi-jour pâle où plus rien n’est réel,
Ombre où la fleur s’endort, où s’éveille l’étoile,
De quel œil il verra, comme à travers un voile,
Comme un songe aux contours grandissants et noyés,
La plaine immense et brune apparaître à ses pieds,
S’élargir lentement dans le vague nocturne,
Et comme une eau qui s’enfle et monte aux bords de l’urne,