Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/434

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Et la gloire, et le rire, et les fêtes sans nombre,
Et toute cette joie aujourd’hui le rend sombre,
Comme un vase noircit rouillé par sa liqueur.

Dans cet antre, où la mousse a recouvert la dalle,
Venait, les yeux baissés et le sein palpitant,
Ou la belle Caussade ou la jeune Candale,
Qui, d’un royal amant conquête féodale,
En entrant disait Sire, et Louis en sortant.

Alors comme aujourd’hui, pour Candale ou Caussade,
La nuée au ciel bleu mêlait son blond duvet,
Un doux rayon dorait le toit grave et maussade,
Les vitres flamboyaient sur toute la façade,
Le soleil souriait, la nature rêvait !

Alors comme aujourd’hui, deux cœurs unis, deux âmes,
Erraient sous ce feuillage où tant d’amour a lui.
Il nommait sa duchesse un ange entre les femmes,
Et l’œil plein de rayons et l’œil rempli de flammes
S’éblouissaient l’un l’autre, alors comme aujourd’hui !

Au loin dans le bois vague on entendait des rires.
C’étaient d’autres amants, dans leur bonheur plongés.
Par moments un silence arrêtait leurs délires.
Tendre, il lui demandait : D’où vient que tu soupires ?
Douce, elle répondait : D’où vient que vous songez ?

Tous deux, l’ange et le roi, les mains entrelacées,
Ils marchaient, fiers, joyeux, foulant le vert gazon,
Ils mêlaient leurs regards, leur souffle, leurs pensées…
O temps évanouis ! ô splendeurs éclipsées !
O soleils descendus derrière l’horizon !

1er avril 1835