Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/467

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Sombre loi ! tout est donc brumeux et vacillant !

Oh ! surtout dans ces jours où tout s’en va croulant,
Où le malheur saisit notre âme qui dévie,
Et souffle affreusement sur notre folle vie,
Où le sort envieux nous tient, où l’on a plus
Que le caprice obscur du flux et du reflux,
Qu’un livre déchiré, qu’une nuit ténébreuse,
Qu’une pensée en proie au gouffre qui se creuse,
Qu’un cœur désemparé de ses illusions,
Frêle esquif démâté, sur qui les passions,
Matelots furieux, qu’en vain l’esprit écoute,
Trépignent, se battant pour le choix de la route ;
Quand on ne songe plus, triste et mourant effort,
Qu’à chercher un salut, une boussole, un port,
Une ancre où l’on s’attache, un phare où l’on s’adresse,
Oh ! comme avec terreur, pilotes en détresse,
Nous nous apercevons qu’il nous manque la foi,
La foi, ce pur flambeau qui rassure l’effroi,
Ce mot d’espoir écrit sur la dernière page,
Cette chaloupe où peut se sauver l’équipage !

Comment donc se fait-il, ô pauvres insensés,
Que nous soyons si fiers ? — Dites, vous qui pensez,
Vous que le sort expose, âme toujours sereine,
Si modeste à la gloire et si douce à la haine,
Vous dont l’esprit, toujours égal et toujours pur,
Dans la calme raison, cet immuable azur,
Bien haut, bien loin de nous, brille, grave et candide,
Comme une étoile fixe au fond du ciel splendide,
Soleil que n’atteint pas, tant il est abrité,
Ce roulis de l’abîme et de l’immensité,
Où flottent, dispersés par les vents qui s’épanchent,
Tant d’astres fatigués et de mondes qui penchent !
Hélas ! que vous devez méditer à côté
De l’arrogance unie à notre cécité !