Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/469

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Que croire ? Oh ! j’ai souvent, d’un œil peut-être expert,
Fouillé ce noir problème où la sonde se perd !
Ces vastes questions dont l’aspect toujours change,
Comme la mer tantôt cristal et tantôt fange,
J’en ai tout remué ! la surface et le fond !
J’ai plongé dans ce gouffre et l’ai trouvé profond !

Je vous atteste, ô vents du soir et de l’aurore,
Etoiles de la nuit, je vous atteste encore,
Par l’austère pensée à toute heure asservi,
Que de fois j’ai tenté, que de fois j’ai gravi,
Seul, cherchant dans l’espace un point qui me réponde,
Ces hauts lieux d’où l’on voit la figure du monde !
Le glacier sur l’abîme ou le cap sur les mers !
Que de fois j’ai songé sur les sommets déserts,
Tandis que fleuves, champs, forêts, cité, ruines
Gisaient derrière moi dans les plis des collines,
Que tous les monts fumaient comme des encensoirs,
Et qu’au loin l’océan, répandant ses flots noirs,
Sculptant des fiers écueils la haute architecture,
Mêlait son bruit sauvage à l’immense nature !

Et je disais aux flots : Flots qui grondez toujours !
Je disais aux donjons, croulant avec leurs tours :
Tours où vit le passé ! donjons que les années
Mordent incessamment de leurs dents acharnées !
Je disais à la nuit : Nuit pleine de soleils !
Je disais aux torrents, aux fleurs, aux fruits vermeils,
A ces formes sans nom que la mort décompose,
Aux monts, aux champs, aux bois : Savez-vous quelque chose ?

Bien des fois, à cette heure où le soir et le vent
Font que le voyageur s’achemine en rêvant,
Je me suis dit en moi : — cette grande nature,
Cette création qui sert la créature,
Sait tout ! Tout serait clair pour qui la comprendrait ! -