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LA PITIÉ SUPRÊME.

Qui dans leur poing crispé tourmentent les tonnerres,
Déchaînant au hasard la guerre et le chaos,
Noirs, ayant dans les yeux la stupeur des fléaux,
Este, Autriche, Valois, Plantagenet, Farnèse,
Et ces têtes de mort au regard de fournaise
Qui portent la couronne et qu’on nomme césars,
M’ont parlé} j’ai sondé les pâles Balthazars,
Les Amurats ayant les supplices pour fêtes,
Vlad qui faisait clouer les turbans sur les têtes,
Les Alexandres fous s’égalant à l’Athos,
Les majestés de pourpre aux immenses manteaux,
Roderic, Éthelred, Timour, Isaac l’Ange,
Ortogrul dans le meurtre et Claude dans la fange,
Christiern, Jean le Mauvais, Jean le Bon, Richard trois ;
J’ai regardé de près cette foule de rois
Comme on verrait un choix d’instruments de torture ;
Chaque monarque, avec sa tragique aventure,
Je l’ai considéré dans le creux de ma main ;
Calme, j’ai fait de l’homme et du temps l’examen ;
J’ai de chaque momie et de chaque squelette
Mesuré la hauteur, défait la bandelette ;
Mon scalpel a mêlé dans sa dissection
Byzance avec Ducas, avec Joram Sion ;
J’ai confessé les lois, lâches entremetteuses ;
J’ai scruté les jours faux, les justices boiteuses ;
L’impur flambeau des mœurs sur qui le vent soufflait,
Sur le front des tyrans j’en ai vu le reflet ;
Je les ai confrontés et pris l’un après l’autre,
J’ai vu, j’ai comparé leur nature à la nôtre ;
J’ai pesé les forfaits, j’ai dédoré les noms,
Et, frémissant, j’arrive à ceci : Pardonnons !

*


Le philosophe amer, que le fait implacable
Obsède, et que l’histoire inexorable accable,