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LA PITIÉ SUPRÊME.

IX

Tout se montre à demi. Voyons l’autre moitié.
C’est toujours une chose incertaine, incomplète,
Trouble, que nous faisons asseoir sur la sellette.
Quoi ! faire le procès à cet homme ? Essayons.

C’est bien. C’est le tyran.

C’est bien. C’est le tyran. Sous son front sans rayons
L’égoïsme a produit la morne insouciance ;
Les deux flambeaux humains, science et conscience,
N’ont jamais un moment flamboyé dans sa main.
Sa conscience est là, morte, sur le chemin ;
Les rhéteurs ont soufflé cette flamme éphémère ;
On n’est pas sûr qu’il ait ouvert une grammaire ;
Il frappe, il ne sait rien ; comment l’avertit-on ?
En vénérant le sceptre, en baisant le bâton.
Jamais d’objection, quoi qu’il fasse ou qu’il veuille.
Il parle ; un peuple entier tremble comme la feuille ;
Il a crié : Je règne ! et tous ont dit : Régnez !
Il a marché sur tous, tous se sont prosternés ;
Conseillé par un prêtre à l’oreille, il s’écrie :
— Je suis dieu. Comme un dieu qu’on m’adore et me prie ! —
Les magistrats ont dit : Peuple ! c’est le devoir.
Un jour, fou furieux, il a souhaité voir
Des gavials manger des hommes ; les édiles
Ont fait faire un palais de marbre aux crocodiles.
Qu’est-ce que l’univers ? Un immense valet.
Le bien, le juste, ô roi, c’est tout ce qui vous plaît.
S’il veut verser du sang, le sang est une gloire,
Le sang est une pourpre ; et s’il désire en boire,
On rendra grâce aux dieux de la soif de Néron,