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LE PAPE.


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LE PAPE SUR LE SEUIL DU VATICAN


Je parle à la Cité, je parle à l’Univers.

Écoutez, ô vivants de tant d’ombre couverts,
Qu’égara si longtemps l’imposture servile,
Le sceptre est vain, le trône est noir, la pourpre est vile.
Qui que vous soyez, fils du Père, écoutez tous.
Il n’est sous le grand ciel impénétrable et doux
Qu’une pourpre, l’amour ; qu’un trône, l’innocence.
L’aube et l’obscure nuit sont dans l’homme en présence
Comme deux combattants prêts à s’entre-tuer ;
Le prêtre est un pilote ; il doit s’habituer
À la lumière afin que son âme soit blanche ;
Tout veut croître au grand jour, l’homme, la fleur, la branche,
La pensée ; il est temps que l’aurore ait raison ;
Et Dieu ne nous a pas confié sa maison,
La justice, pour vivre en dehors d’elle, et faire
Grandir l’ombre et tourner à contre-sens la sphère.
Je suis comme vous tous, aveugle, ô mes amis !
J’ignore l’homme, Dieu, le monde ; et l’on m’a mis
Trois couronnes au front, autant que d’ignorances.
Celui qu’on nomme un pape est vêtu d’apparences ;
Mes frères les vivants me semblent mes valets ;
Je ne sais pas pourquoi j’habite ce palais ;
Je ne sais pas pourquoi je porte un diadème ;
On m’appelle Seigneur des Seigneurs, Chef suprême,
Pontife souverain, Roi par le ciel choisi ;
Ô peuples, écoutez, j’ai découvert ceci.
Je suis un pauvre. Aussi je m’en vais. J’abandonne
Ce palais, espérant que cet or me pardonne,