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L’ÂNE.

Et maintenant cherchez Symmachus, Alegambe,
Et le père Gretser et le père Poussin !
Paul-Louis colletant saint Luc, quel assassin !
Un essaim de pamphlets qui s’échappe dégrade,
Sur leur lit de justice ou leur lit de parade,
Sigonius, Prudence, Alde et le sieur Pithou ;
D’où viennent-ils ? j’ignore ; — où vont-ils ? Dieu sait où !
Mais ils mangent les saints jusqu’aux dernières plumes ;
Sur les tomes debout ainsi que les enclumes
De la forge du deuil, de l’erreur et du vent,
Ils se répandent gais, cassant, rageant, bravant,
Des révolutions anarchique avant-garde ;
Et l’on entend courir dans la brume hagarde
Le pas tumultueux de ces trotte-menu ;
Et ce désordre est fait par ce peuple inconnu
Au nez du marguillier et sous l’œil de l’édile ;
Ainsi que l’ichneumon détruit le crocodile
Le doute in-dix-huit bat le dogme in-folio ;
Malheur à l’alcoran qu’attaque un fabliau !
Un missel sur qui plane un couplet est malade ;
Je plains l’infortiat qu’une puce escalade,
L’infortiat fût-il plein de rois et de dieux,
Si la puce, agitant son stylet radieux,
Saute, atome effrayant, la largeur de la terre
Et la hauteur d’un siècle, et se nomme Voltaire.

— Mais, dis-tu, ce baudet n’a pas le sens commun.
Il veut un résultat ; n’en est-ce dont pas un ?
Ce combat des penseurs est sublime. — À merveille.
Qu’en sort-il ? Baal meurt, l’ours fuit devant l’abeille,
Soit. On lutte, on s’acharne, assaut, mêlée à mort !
Et la science pique et la sagesse mord ;
Que reste-t-il au cœur, la bataille finie ?
Hélas ! la nudité d’une immense ironie ;
Tous les profonds instincts glacés et grelottants ;
Kant, ce n’est pas cela que de l’homme j’attends.
L’esprit triomphe. À bas le vieux dogme ! on l’écrase,