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L’ÂNE.

Qu’il ose relever son museau d’écolier,
Et se gratter un peu le cou sous son collier,
Ô révolution ! anarchie ! il vous semble
Que l’alphabet lui-même entre vos pattes tremble,
Que l’F et que le B vont se prendre le bec,
Que l’O tourne sa roue aux cornes de l’Y,
Horreur ! et qu’on va voir le point, bille fatale,
Tomber enfin sur l’I, ce bilboquet tantale !

Votre système est vain, votre empirisme est faux.
Ayez donc la charrue avant d’avoir la faulx.

Çà, vous figurez-vous, parlons net, camarades,
Qu’on est un vrai docteur pour avoir pris ses grades,
Et qu’on sait quelque chose en sortant de chez vous ?
Que la grande nature, aux bruits vastes et doux,
Belle, n’enseigne rien à l’esprit qu’elle élève ;
Et qu’Adam, ébloui de l’éden, épris d’Ève,
Attendait, pour que Dieu tout à fait le créât,
Qu’Iblis lui fît passer le baccalauréat ?
Non, la nature au fond pourrait suffire seule ;
Elle sait tout, elle est nourrice, étant aïeule !