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COLÈRE DE LA BÊTE.

IX

CONDUITE DE L’HOMME VIS-A-VIS DE LUI-MÊME.

Dieu, nature, cité ; la loi, l’esprit, la lettre ;
Mais à quel point de vue enfin faut-il se mettre
Pour trouver le bon sens de votre enseignement ?
Je feuillette et relis tout l’homme vainement,
Je ne vois point par où son cœur s’améliore,
Je vois la nuit grandir si je vois l’astre éclore.

Voyons, regarde un peu, bonhomme impartial.
Nous avons contre nous notre angle facial,
Nous autres animaux ; on est, de par son crâne,
Contraint d’être un chacal ou forcé d’être un âne ;
L’instinct bas nous conduit par le bout du museau ;
À quatre pattes, monstre ! et nous portons le sceau
Du malheur, et l’infâme artère carotide
Est mère de l’ours fauve et du pourceau fétide ;
La matière est fatale, au moins l’homme le dit ;
La roche est antre afin que le loup soit bandit,
Le renard, c’est le vol ; l’autour, c’est la rapine ;
L’hyène a l’ongle ainsi que la ronce à l’épine ;
Mais l’homme conscient et libre en son penchant,
L’homme, qui peut choisir, d’où vient qu’il est méchant ?
De quel droit êtes-vous des tigres, vous les hommes ?
Que nous nous comportions en brutes que nous sommes,
Soit ; mais vous, les esprits créés pour la clarté ?
Comment l’homme peut-il par une extrémité
Être Homère, et par l’autre être Héliogabale ?
Et je ne parle pas ici du cannibale,
Du cafre, du huron sinistre et paresseux,
Je parle des penseurs, des artistes, de ceux