Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le bateau dès qu’il rentre est tiré hors du flot ;
Et les prés sont charmants.

Et les prés sont charmants. Salut, terre sacrée !
Le seuil des maisons rit comme une aube dorée.
Phares, salut ! amis que le péril connaît !
Salut, clochers où vient nicher le martinet ;
Pauvres autels sculptés par des sculpteurs de proues ;
Chemins que dans les bois emplit le bruit des roues ;
Jardins de laurier rose et d’hortensia bleu ;
Étangs près de la mer, sagesses près de Dieu !
Salut !

Salut ! À l’horizon s’envole la frégate ;
Le flux mêle aux galets, polis comme l’agate,
Les goëmons, toison du troupeau des récifs ;
Et Vénus éblouit les vieux rochers pensifs,
Dans l’ombre, au point du jour, quand, au chant de la grive,
Tenant l’enfant matin par la main, elle arrive.

Ô bruyères ! Plémont qu’évite le steamer !
Vieux palais de Cybèle écroulé dans la mer !
Mont qu’étreint l’océan de ses liquides marbres !
Mugissement des bœufs ! Doux sommeils sous les arbres !

L’île semble prier comme un religieux ;
Tout à l’entour, chantant leur chant prodigieux,
L’abîme et l’océan font leur immense fête ;
La nue en passant pleure ; et l’écueil, sur son faîte,
Pendant que la mer brise à ses pieds le vaisseau,
Garde un peu d’eau du ciel pour le petit oiseau.


Creux de la Touraille (L’Homme sans Tête).
8 octobre 1854.