Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XI.djvu/329

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Êtres ! lieux ! choses ! nuit ! nuit froide qui te tais !
Cèdres de Salomon, chênes de Teutatès ;
       plongeurs de nuée, ô rapporteurs de tables ;
Devins, mages, voyants, hommes épouvantables ;
Thébaïdes, forêts, solitudes ; Ombos
Où les docteurs, vivant dans des creux de tombeaux,
S’emplissent d’inconnu comme d’eau les éponges ;
       croisements obscurs des gouffres et des songes,
Sommeil, blanc soupirail des apparitions ;
Germes, avatars, nuit des transformations
Où l’archange s’envole, où le monstre se vautre ;
Mort, noir pont naturel entre une étoile et l’autre,
Communication entre l’homme et le ciel ;
Colosse de Minerve aptère, aux pieds duquel
Le vent respectueux fait tomber ceux qui passent’ ;
Flots revenant toujours que les rocs toujours chassent ;
Chauve Apollonius, vieux rêveur sidéral ;
       scribes, qui, du bout du bâton augural
Tracez de l’alphabet les ténébreux jambages ;
Époptes grecs fakirs, voghis, bonzes, eubages,
       tours d’où se jetaient les circumcellions ;
Sanctuaires ; trépieds, autels, fosse aux lions ;
Vous qui voyez suer les fronts pâles des sages,
Cimetières, repos, asiles, noirs passages
Où viennent s’essuyer les penseurs, ces vaincus ;
Monstrueux caveau peint du roi Psamméticus ;
François d’Assises, Scot, Bruno, sainte Rhipsime
       marcheurs attirés aux clartés de la cime ;
Sept sages qui parlez dans l’ombre à Cyrselus ;
Du rêve et du-désert redoutables reclus’
Qui chuchotez avec les bouches invisibles ;
Fronts courbés sous les cieux d’ou descendent les bibles ;
Spectres ; effarements de lampe et de flambeau ;
Toi — qui vois Chanaan ; montagne de, Nébo ;
Moines du mont Athos, chantant de sombres proses ;
Libellules d’Asie errant dans les jamroses ;