Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/221

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Peut-être l’ouvrier n’avait-il rien d’humain
Qui lés avait sculptés de sa puissante main ?
Qui donc les avait mis seuls dans ce vaste espace
Pour entendre à jamais pleurer le vent qui passe,
Siffler l’herbe et glisser le lézard dans les grès ?
Sans oser faire un pas, je les considérais

Avec l’effroi qu’on a devant les choses sombres.
Nul vestige autour d’eux, ni sentiers, ni décombres ;
Rien que la ronce obscure et le buisson noirci.

Or, tout à coup, pendant que je rêvais ainsi,
Il apparut, -c’était l’heure où le jour recule, -
Dans le ciel sépulcral et froid du crépuscule,
L’aile ouverte et planant sur cet horizon noir,
Un oiseau monstrueux, vaste, effroyable à voir,
D’une forme inconnue à la nature entière,
Si fauve et si hideux que les lions de pierre
S’enfuirent en poussant de longs rugissements.

Ô Dieu, vous qui penché sur les esprits dormants,
Leur envoyez la nuit le Moloch ou l’Archange,
Que vouliez-vous me dire avec ce songe étrange ?
Serait-ce, après nos jours sans joie et sans honneur,
La figure des temps où nous entrons, Seigneur ?