Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/333

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Barrez vos portes
Et fermez vos volets, de peur que la raison
Et que la -vérité n'entrent dans la maison,
O bourgeois! Homme. docte, homme grave, mollusque,
Qui que tu sois, prends garde à l'irruption brusque
Des clartés, des penseurs, des esprits, dans le trou
Où la nuit sombre a mis ton coeur sous le. verrou.
Tu végètes; -prends garde à ce grand -danger, vivre.
L'huître doit se, fermer dès que s'ouvre le livre
Car il suffit d'un mot dans une âme jeté
Pour. y creuser un gouffre et l'emplir de clarté.
De la stupidité l'ignorance est l'asile.
Ne lis rien, si tu tiens à rester imbécile.
Comme il sied.
L'oison glousse et boite, radieux;
Semblable au paon, l'orgueil, bien qu'il ait beaucoup d'yeux,
Ne s'en sert pas pour voir, mais pour être superbe;
Le faux sage a sa queue épanouie en gerbe
 
Qui le suit, vit par lui, l'aime, le croit divin,
Et le rend plus inepte en le rendant plus vain;
C'est le public des sots qui fait cortège au cuistre;
Le pédant idiot, arrogant et sinistre,
Qu'il soit homme d'église ou bien homme d'état,
Ignore tout, sait tout, et tient pour attentat
Le génie, et Guizot ne veut pas. de Voltaire.
Silence, Mirabeau! Danton, veux-tu te taire!
Ce Galilée est-il assez impertinent
Avec son soleil fixe et sa terre tournant!
Peut-on se, figurer rien de plus chimérique
Que ce Colomb faisant ce. rêve, l'Amérique!
Contre ces fiers croyants on prend à témoin Dieu.