Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/334

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Les églises, les rois qui sont grands de si peu,
Ces lourdes légions tardigrades, s'indignent
Contre ceux qui vont vite, et qui ne se résignent
Jamais à cè qui ment, jamais à ce qui nuit.
Ces hommes parlent haut et font peur.à la nuit.
A bas ces amoureux terribles de l'aurore!

Les grands penseurs sacrés qu'une flamme dévore,
Les poëtes, les forts esprits, les fiers rêveurs
Savent que l'infini ne fait pas de faveurs -
Mais ne fait pas non plus d'injustices; ils songent,
Méditant les destins d'en bas qui se prolongent
Dans le profond destin d'en haut, abîme obscur;
C'est pourquoi leur regard ne quitte point l'azur,
Et s'emplit, dans l'espace où flotte la science,
D'un éblouissement d'où naît la clairvoyance.

Sitôt que, se levant sur notre monde noir,
L'astre dieu de:l'aurore apparaît, faisant voir
A l'immense chaos l'énormité de l'âme,
Dès que ce monstre d'ombre à crinière de flamme,
Dès que cet inconnu splendide, le soleil,
Effrayant, rassurant, masqué d'éclairs, vermeil,
Surgit, égalisant sous sa lueur superbe
Les grands monts, la rondeur de. la mer, le brin d'herbe,
Et l'horreur des forêts d'où. sort un vague chant,
Dès que, fertilisant, achevant, ébauchant,
Vie et mystère, énigme expliquant les problèmes,
Faisant les gouffres clairs, faisant les ,astres blêmes,
Aidant le coeur à croire et l'esprit à prier,
Il s'est mis au travail comme un bon ouvrier,
Dès qu'il a commencé sa tâche de lumière,
Dès que, lié lui-même à la cause première,