Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIII.djvu/329

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De cadavres, de fleurs, de cyprès, de lauriers,
Conquérants dont seraient jaloux les usuriers!
Mais vous comptez en vain, voleurs de ma Lorraine,
Sur mon peu de mémoire et sur mon peu de haine,
Je suis un, je suis Tous, et ce que je vous dis
Tous les coeurs furieux vous le disent, bandits!
Non, nous n'oublierons pas! Lorraine, Alsace, ô villes,
O chers français, pays sacrés, soyez tranquilles.
Nous ne tarderons point. Le glaive est prêt déjà
Que Judith pâle au flanc d'Holopherne plongea.
Eternel souvenir! Guerre! guerre! Revanche!

Ah! ton peuple vivra, mais ton empire penche,
Allemagne. Ô révolte au fond du tombeau sourd!
O. tocsin formidable au clocher de Strasbourg!
Ossements remués-!'dressement de fantômes!
Czars, princes, empereurs, maîtres du monde, atomes,
Comme ces grands néants s'envolent dans la nuit!
Comme l'éternité des rois s'évanouit!
Des hommes, jeunes, vieux, hurlant, des paysannes,
Des paysans, ayant des faulx pour pertuisanes,
Ah! le jour de la lutte, il en viendra plus d'un!
Metz imitera Lille et Strasbourg Châteaudun;
Vos canons contre vous retourneront leurs gueules,
Les pierres se mettront en marche toutes seules
Et feront des remparts contre vous, et les tours
Vous chasseront, hiboux, milans, corbeaux, vautours!
On verra fourmiller le gouffre des épées;
Alors revivra, fière, au vent des épopées,
La. Révolution debout, le sabre au poing;.
Et, pâles, vous de qui l'avenir ne veut point,
Vous verrez reparaître, ô rois, cette gorgone
A travers le branchage effrayant de l'Argonne;
La France embrassera l'Alsace, embrassera
La Lorraine, ô triomphe! et l'Europe sera!
Et les vengeurs, avec des chants et des huées,-
Plus abondants que l'ombre au puits noir des nuées,