Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIII.djvu/353

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Si vous livrez le peuple au scepticisme obscur,
Il ne sait plus quelle est la lueur qui le mène;
Alors tout flotte; alors la conscience humaine
A des blêmissements pires que la noirceur.

L'esquif dans l'eau diffuse a son avertisseur,
La boussole; il navigue et les hommes ont l'âme.
Laissez-leur ce conseil, laissez-leur cette flamme;
La droiture est leur pôle et le devoir leur nord;
La flotte en pleine mer et le peuple en plein sort,
La vie étant brumeuse et l'ombre étant profonde,
Ont besoin, dans la vaste obscurité de l'onde,
L'une de voir l'étoile et l'autre de voir Dieu.
Dieu, c'est la vérité rayonnant au milieu
Des ténèbres, du doute et de l'idolâtrie;
Et, quand les ennemis sont là, c'est la patrie.

Pour qui vend son pays, ciel noir, pas de pitié!
Ah! ne partageons point le crime par moitié
Entre le hasard louche et l'homme misérable.
Pas de grâce. Imitons l'abîme vénérable
Qui ne se laisse pas détourner de. son but;
Tout forfait doit payer au châtiment tribut;
La justice est la foi de fer que rien ne touche;
La peine a pour épée une flamme farouche;,
Le glaive de cet ange horrible est sans fourreau.
Pas plus que le hibou ne devient passereau,
Pas plus qùe le corbeau ne se change en colombe,
Un perfide ne peut être un juste; et la tombe
Pose et ferme à jamais son couvercle sur lui.
Les peuples, dont l'honneur est le seul point d'appui,
Veulent que le destin sur ce monstre exemplaire
Jette une catastrophe égale à leur colère;
Il convient que Judas ait Judas pour bourreau;
J'approuve le boulet qui terrassa Moreau
Et qui fut ce jour-là ressemblant au tonnerre.