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XX Crois-tu donc qu'on sera César sans l'expier


Crois-tu donc qu'on sera César sans l'expier?
Qui donc t'a dit qu'on puisse être, sans récompense,
Epictète qui saigne en même temps qu'il pense?

Rêves-tu que toujours les uns seront en haut,
Rois que le trône fait exempts de l'échafaud,
Prêtres grands par le mal, soldats forts par le crime,
Et les autres en bas, subissant tout l'abîme?
Vois-tu le ciel pencher et crouler quelque part?
Tout a son contrepoids. Comptes-tu, par hasard,
Sans la grande équité qui se révèle et vibre
Et luit de tous côtés dans l'immense équilibre?
Dis, crois-tu que les uns seront mal, d'autres bien,
Que les uns auront tout, les autres n'ayant rien,
Ceux-ci sans pain, ceux-là couvrant de mets leurs tables,
Et qu'il ne viendra point des reflux redoutables?
Attends le dénoûment. La fin mettra le sceau.
Compte sur les retours. Crois-tu que le pourceau,
Formidable mangeur de toute pourriture,
De vos vomissements fera sa nourriture,
Hélas! et souffrira ce tourment sous le ciel
D'ouvrir la bouche au fond de l'égout'éternel,
Et d'être l'être infect souillé par l'être horrible;
Et qu'il ne viendra pas un jour, un jour terrible,
Où le monstre, penché sur tous, resplendissant
De la sombre lueur du monde finissant,
Éclaboussant quiconque a vécu dans l'ordure,
Ceux dont le coeur fut noir, ceux dont l'âme fut dure,
Les prêtres sur l'autel, les rois sous leur cimier,
Dans un hoquet vengeur leur rendra leur fumier!

XXI Jeunes hommes