Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/133

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On est ce personnage étrange, fait d’acier,
D’azur et d’idéal, le rêveur justicier,
Le poëte chargé de foudres, le nuage
Poussé dans la lumière et l’ombre par ce sage
Qui semble fou, le vent, assainisseur du ciel ;
On a l’empire infame et pestilentiel.
Sous soi, très bas, très loin, dans une brume impure ;
On voit la conscience humaine qni suppure ;
Des Te Deum rampant à tâtons dans l’enfer,
Et sous ce poids ; sénats de fange, lois de fer,
L’honneur las qui frémit, morne cariatide ;
Mais Avril, qui refait tous les ans l’Atlantide,
Prend peu souci de l’homme ; et pendant que descend
Toute l’âme d’un peuple, il monte éblouissant,
Il emplit l’horizon d’églogues et de fêtes ;
On contemple, on oublie, et comme les prophètes,
Comme les mages, pleins d’orage et de douleurs,
Sombre, on se laisse aller à regarder les fleurs ;
On a des yeux, on a malgré César, une âme ;
On se laisse dorer par cette immense flamme,
La vie ; et le printemps vous entre malgré vous
Dans le cœur, et vous fait presque paisible et doux,
Avec des grondements pourtant par intervalles ;
On écoute chanter des fauvettes, rivales
Du divin rossignol, qui, lorsque l’aube luit,
Prolongent dans le jour sa chanson de la nuit ;