Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/397

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DES BAIGNEUSES==


Ô femmes, la pudeur, c’est la honte sacrée:
Le lieu sombre et divin qui rayonne et qui crée,
Cette chair sous laquelle on aperçoit l’esprit,
Le ventre qui féconde et le sein qui nourrit,
Sont des mystères pleins d’épouvante et de charme.
C’est pourquoi votre oeil roule une céleste larme ;
C’est pourquoi vous cherchez, loin des pas et des voix,
Ô baigneuses, l’abri silencieux des bois.
La nature sauvage et profonde vous couvre.
Votre robe inquiete en tressaillant s’entr’ouvre,
Puis tombe, et vous avez, le dernier voile ôté,
Peur de votre lumièré et de votre beauté.
Si quelqu’un me voyait ! dit la nymphe ingénue..
Comme c’est effrayant d’être une aurore nue !
Et vous avez raison, belles, de vous cacher..
Vos corps exquis, plus frais que la fleur du pêcher,
Frémiraient du regard d’un passant, faune. infâme
Qui cherche la matière au lieu de chercher l’âme.
A toute belle chose il-faut un vêtement.
L’oeil de l’homme toujours guette en quoi se dément
La beauté, la vertu, le génie, et s’attache,
Sinistre, à la splendeur pour y trouver la tache.