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LXXVIII Vous souffrez ici-bas


Vous souffrez ici-bas mille maux nuit et jour,
Sans cesse, et pauvres gens, vous dites : c’est l’amour.
Erreur. L’amour n’est pas le mal, c’est le remède.
Toujours de quelque belle, et souvent, que Dieu m’aide !
De plusieurs à la fois je suis le prisonnier.
Je vis au carnaval deux filles l’an dernier.
L’une était ragusaine et l’autre bergamasque.
Leur rire épanoui rayonnait sous leur masque,
Et l’on voyait flamber des yeux sous leurs deux loups,
Dont les charbons ardents eussent été jaloux.
Quel éblouissement de voir ces créatures !
Leurs regards étoilés étaient pleins d’aventures;
Leurs petits doigts semblaient jouer, doux et moqueurs,
D’un clavier invisible où vibraient tous les coeurs.
Le satin était bure auprès de leurs épaules.
Les plus hardis faquins et les plus joyeux drôles
Leur parlaient un moment, sans y songer du tout,
Et devenaient rêveurs et bêtes tout à coup.

==LXXIX