Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/419

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Une sorte de vague énorme, errante et souple,
Nous enveloppe, et tout dans cette onde s’accouple.
C’est, à travers ce flot qu’on entrevoit au loin
L’oeil fixe et lumineux de Pan, sombre témoin.
C’est le chaos, j’y tremble ; et c’est l’ordre, j’y pense.
J’y sens du châtiment et de la récompense.
Et je vais le plus droit que je peux devant moi.
Je crois. C’est en amour que se dissout l’effroi.
Dans cet ensemble, vrai quoique visionnaire.
Tout a sa place ; un cèdre, un brin d’herbe ; un tonnerre
Passe, et n’a pas le droit de faire taire un nid
Qui, comme lui, comprend l’abîme et le bénit.
Nul du concert sacré n’est exclu. On écoute.
La nature au milieu de l’ombre parle toute ;
L’effet rend témoignage à la cause ; penché
Sur tout ce vaste hymen qu’on nomme à tort péché,
L’homme songe ; il entend les êtres et les choses,
Les monstres chevelus, les oiseaux aux becs roses,
Tous, terribles, charmants, pêle-mêle, en tout lieu,
A toute heure, à la fois, chanter ou rugir Dieu.
Un hymne immense sort de cet immense rêve ;
L’alouette l’ébauche et le lion l’achève.

18 juin 1870.