Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/454

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CXXI Crois-tu que de ceci mon rêve se repaisse


Que je sois satisfait, que je sois une espèce
De bienheureux, louant à toute heure, en tout lieu ;
Que j’aie entre les dents un dithyrambe à Dieu ;
Que je trouve tout grand, complet, parfait, sublime ;
Que je dise : il ne manque à rien un coup de lime !
Tout est beau ! que je sois un faiseur d’embarras,
Que je crie à la nuit : fais ce que tu voudras !
Que j’aille acceptant tout, et que je contresigne
Aveuglément le lys, le paon, l’aigle, le cygne,
Homme ? et que je constate, en me pâmant, le pré,
La source, la forêt, le buisson diapré,
L’aube sur un vieux mur dorant les giroflées,
L’ouragan noir chassant les vagues essoufflées ?
Non, non, ce n’est pas moi qui, tout joyeux devant
Le problème muet, sourd, obscur, décevant,
M’obstine à voir dans tout des marques d’alliance.
Homme, ce n’est pas moi qui vis de confiance,
Ce n’est pas moi qui vais béant aux paradis
Quand l’âpre énigme est là. Ce n’est pas moi qui dis :
L’univers n’est pas clair ; non, mais il est splendide.
Ce n’est pas moi qui suis l’adorateur candide,’