Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je ne comprends guère, dit celui-ci, vos moyens, au moins très indirects ; il est plus court de rester ici. Il faudrait être fou pour continuer sa route par un pareil temps.

— Mais bien plus fou encore, murmura le vieillard, pour s’abriter contre un pareil temps dans un pareil lieu.

— Malheureux ! s’écria la femme, ne frappez pas au seuil de celui qui ne sait ouvrir d’autre porte que celle du sépulcre.

— Dût la porte du sépulcre s’ouvrir en effet pour moi avec la vôtre, femme, il ne sera pas dit que j’aurai reculé devant une parole sinistre. Mon sabre me répond de tout. Allons, fermez la tour, car le vent est froid, et prenez cet or.

— Eh ! que me fait votre or ! reprit l’hôtesse ; précieux dans vos mains, il deviendra dans les miennes plus vil que l’étain. Eh bien, restez donc pour de l’or. Il peut garantir des orages du ciel, il ne sauve pas du mépris des hommes. Restez ; vous payez l’hospitalité plus cher qu’on ne paie un meurtre. Attendez-moi un instant ici, et donnez-moi votre or. Oui, c’est la première fois que les mains d’un homme entrent ici chargées d’or sans être souillées de sang.

Alors, après avoir déposé sa lampe et barricadé la porte, elle disparut sous la voûte d’un escalier noir, percé dans le fond de la salle.

Tandis que le vieillard frissonnait, et, invoquant, sous tous ses noms, le glorieux saint Hospice, maudissait de bon cœur, mais à voix basse, l’imprudence de son jeune compagnon, celui-ci prit la lumière, et se mit à parcourir la grande pièce circulaire où ils se trouvaient. Ce qu’il vit en approchant de la muraille le fit tressaillir, et le vieillard, qui l’avait suivi du regard, s’écria :

— Grand Dieu, maître ! une potence ?

Une grande potence était en effet appuyée au mur, et atteignait au cintre de la voûte haute et humide.

— Oui, dit le jeune homme, et voici des scies de bois et de fer, des chaînes, des carcans ; voici un chevalet et de grandes tenailles suspendues au-dessus.

— Grands saints du paradis ! s’écria le vieillard, où sommes-nous ?

Le jeune homme poursuivit froidement son examen.

— Ceci est un rouleau de corde de chanvre ; voilà des fourneaux et des chaudières ; cette partie de la muraille est tapissée de pinces et de scalpels ; voici des fouets de cuir garnis de pointes d’acier, une hache, une masse.

— C’est donc ici le garde-meuble de l’enfer ! interrompit le vieillard épouvanté de cette terrible énumération.