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XX

LEONARDO.
Le roi vous demande.
HENRIQUE.
Comment cela ?
Lope de Vega, la Fuerza lastimosa.



Devant quelques papiers épars sur son bureau, parmi lesquels on distingue des lettres nouvellement ouvertes, le général Levin de Knud paraît rêver profondément. Un secrétaire debout près de lui semble attendre ses ordres. Le général tantôt frappe de ses éperons le riche tapis qui s’étend sous ses pieds, tantôt joue d’un air distrait avec la décoration de l’Éléphant, suspendue à son cou par le collier de l’ordre. De temps en temps il ouvre la bouche pour parler, puis s’arrête et se frotte le front, et jette un nouveau coup d’œil sur les dépêches décachetées qui couvrent la table.

— Comment diable !… s’écrie-t-il enfin.

Cette exclamation concluante est suivie d’un instant de silence.

— Qui se serait jamais figuré, reprend-il, que ces démons de mineurs en viendraient là ? Il faut nécessairement que de secrètes instigations les aient poussés à cette révolte. — Mais, savez-vous, Wapherney, que la chose est sérieuse ? Savez-vous que cinq à six cents coquins des îles Faroër, commandés par un certain vieux bandit nommé Jonas, ont déjà déserté leurs mines ? qu’un jeune fanatique, appelé Norbith, s’est également mis à la tête des mécontents de Guldbranshal ? qu’à Sund-Moër, à Hubfallo, à Kongsberg, ces mauvaises têtes, qui n’attendaient qu’un signal, sont déjà peut-être soulevées ? Savez-vous que les montagnards s’en mêlent, et qu’un des plus hardis renards de Kole, le vieux Kennybol, les commande ? Savez-vous enfin que, d’après un bruit général dans le nord du Drontheimhus, s’il faut en croire les syndics qui m’écrivent, ce fameux scélérat dont nous avons fait mettre la tête à prix, le formidable Han, dirige en chef l’insurrection ? Que direz-vous de tout cela, mon cher Wapherney ? hem !

— Votre excellence, dit Wapherney, sait quelles mesures…

— Il y a encore dans cette déplorable affaire une circonstance que je ne puis m’expliquer ; c’est que notre prisonnier Schumacker soit, comme on le prétend, l’auteur de la révolte. C’est ce qui semble n’étonner personne, et c’est enfin ce qui m’étonne le plus. Il me paraît difficile qu’un homme près duquel se plaisait mon loyal Ordener soit un traître. Cependant, les mineurs,