Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/248

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mine d’Apsyl-Corh, à notre rendez-vous. Je vous proteste que cela ne se peut. Je le connais, à présent, ce démon incarné ; je l’ai vu !

Hacket, qui avait tout écouté attentivement, prit la parole et dit d’une voix grave :

— Mon brave ami Kennybol, quand vous parlez de Han d’Islande ou de l’enfer, ne croyez rien impossible. Je savais tout ce que vous venez de me dire.

L’expression de l’extrême étonnement et de la plus naïve crédulité se peignit sur les traits sauvages du vieux chasseur des monts de Kole.

— Comment ?

— …Oui, poursuivit Hacket, sur le visage duquel un observateur plus adroit eût peut-être démêlé quelque chose de triomphant et de sardonique, je savais tout, excepté pourtant que vous fussiez le héros de cette triste aventure. Han d’Islande me l’avait contée en me suivant ici.

— Vraiment ! dit Kennybol ; et son regard attaché sur Hacket venait de prendre un air de crainte et de respect.

Hacket continua avec le même sang-froid :

— Sans doute ; mais maintenant, soyez tranquille, je vais vous conduire à ce formidable Han d’Islande.

Kennybol poussa un cri d’effroi.

— Soyez tranquille, vous dis-je, reprit Hacket. Voyez en lui votre chef et votre camarade ; gardez-vous seulement de lui rappeler en rien ce qui s’est passé ce matin. Vous comprenez ?

Il fallut céder, mais ce ne fut pas sans une vive répugnance intérieure qu’il consentit à se laisser présenter au démon. Ils s’avancèrent vers le groupe où étaient Ordener, Jonas et Norbith.

— Mon bon Jonas, mon cher Norbith, dit Kennybol, que Dieu vous assiste !

— Nous, en avons besoin, Kennybol, dit Jonas.

En ce moment le regard de Kennybol s’arrêta sur celui d’Ordener, qui cherchait le sien.

— Ah ! vous voilà, jeune homme, dit-il en s’approchant vivement de lui et lui tendant sa main ridée et rude, soyez le bienvenu. Il paraît que votre hardiesse a eu bon succès ?

Ordener, qui ne comprenait pas que ce montagnard parût le comprendre si bien, allait provoquer une explication, quand Norbith s’écria :

— Vous connaissez donc cet étranger, Kennybol ?

— Par mon ange gardien, si je le connais ! Je l’aime et je l’estime. Il est dévoué comme nous tous à la bonne cause que nous servons.

Et il lança vers Ordener un second regard d’intelligence, auquel celui-ci