Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/26

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qu’on pourrait — s’il n’y avait irrévérence — leur appliquer les vers de Regnier sur une averse :


Des nuages en eau tombait un tel degoust,
Que les chiens altérés pouvaient boire debout.


Du reste, ces hautes matières ne se rattachaient pas encore très visiblement au sujet de cet ouvrage, et il eût été fort embarrassé de trouver une liaison qui l’y conduisît, quoique l’art des transitions soit singulièrement simplifié depuis que tant de grands hommes ont trouvé le secret de passer sans secousse d’une échoppe dans un palais, et d’échanger sans disparate le bonnet de police contre la couronne civique.

Reconnaissant donc qu’il ne saurait trouver dans son talent ni dans sa science, par ses ailes ou par son bec, comme dit l’ingénieuse poésie des arabes, une préface intéressante pour les lecteurs, l’auteur de ceci s’est déterminé à ne leur offrir qu’un récit grave et naïf[1] des améliorations apportées à cette seconde édition.

Il les préviendra d’abord que ce mot, seconde édition, est ici assez impropre, et que le titre de première édition est réellement celui qui convient à cette réimpression, attendu que les quatre liasses inégales de papier grisâtre maculé de noir et de blanc, dans lesquelles le public indulgent a bien voulu voir jusqu’ici les quatre volumes de Han d’Islande, avaient été tellement déshonorées d’incongruités typographiques par un imprimeur barbare, que le déplorable auteur, en parcourant sa méconnaissable production, était incessamment livré au supplice d’un père auquel on rendrait son enfant mutilé et tatoué par la main d’un iroquois du lac Ontario.

Ici, l’esclavage du suicide en remplaçait l’usage ; ailleurs, le manœuvre typographe donnait à un lien une voix qui appartenait à un

  1. Il insiste expressément sur ces mots, parce qu’il serait au désespoir qu’on lui supposât l’intention de plaisanter en traitant d’une aussi sérieuse chose que ce roman. Au reste, il lui serait impossible de se livrer ici au plus léger badinage, ayant eu le malheur de perdre le calepin sur lequel il était dans l’usage de noter ses saillies et bons mots futurs, aux environs de la fontaine des Innocents.