Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/338

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eu le temps de reprendre son sang-froid ; tremblez ! car vous alliez verser le sang innocent.

Pendant que l’émotion du président se calmait, Ordener s’était levé consterné. Le noble jeune homme craignait que sa généreuse ruse ne fût découverte, et qu’on n’eût trouvé des preuves de la culpabilité de Schumacker.

— Seigneur évêque, dit le président, dans cette affaire, le crime semble vouloir nous échapper, en passant de tête en tête. Ne vous fiez pas à quelque vaine apparence. Si Ordener Guldenlew est innocent, quel est donc alors le coupable ?

— Votre grâce va le savoir, répondit l’évêque. — Puis, montrant au tribunal une cassette de fer qu’un serviteur portait derrière lui : — Nobles seigneurs, vous avez jugé dans les ténèbres ; dans cette cassette est la lumière miraculeuse qui doit les dissiper.

Le président, le secrétaire intime et Ordener parurent frappés en même temps, à l’aspect de la mystérieuse cassette. L’évêque poursuivit :

— Nobles juges, écoutez-nous. Aujourd’hui, au moment où nous rentrions dans notre palais épiscopal, afin de nous reposer des fatigues de la nuit, et de prier pour les condamnés, on nous a remis cette boîte de fer scellée. Le gardien du Spladgest l’avait, nous a-t-on dit, apportée ce matin à notre palais pour qu’elle nous fût remise, affirmant qu’elle renfermait sans doute quelque mystère satanique, attendu qu’il l’avait trouvée sur le corps du sacrilège Benignus Spiagudry, dont on a retiré le cadavre du Sparbo.

L’attention d’Ordener redoubla. Tout l’auditoire se taisait religieusement. Le président et le secrétaire courbaient la tête comme deux condamnés. On eût dit qu’ils avaient tous deux oublié leur astuce et leur audace. Il y a un moment dans la vie du méchant où sa puissance s’en va.

— Après avoir béni cette cassette, continua l’évêque, nous en avons brisé le sceau, qui portait, comme vous pouvez le voir encore, les anciennes armoiries abolies de Griffenfeld. Nous y avons trouvé en effet un secret satanique. Vous allez en juger, vénérables seigneurs. Prêtez-nous toute votre attention ; car il s’agit ici du sang des hommes, et le Seigneur en pèse chaque goutte.

Alors, ouvrant la formidable cassette, il en tira un parchemin au dos duquel était écrite l’attestation suivante :

« Moi, Blaxtham Cumbysulsum, docteur, je déclare, au moment de mourir, remettre au capitaine Dispolsen, procureur, à Copenhague, de l’ancien comte de Griffenfeld, la pièce suivante, entièrement écrite de la main de Turiaf Musdœmon, serviteur du chancelier comte d’Ahlefeld, afin que