Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/353

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qui n’avait d’autre force que sa rage, fut contraint de lâcher prise. Il alla se jeter à plat ventre contre la muraille, poussant des hurlements inarticulés et émoussant ses ongles sur la pierre.

— Mourir ! démons de l’enfer ! mourir sans que mes cris percent ces voûtes, sans que mes bras renversent ces murs !

On le saisit sans éprouver de résistance. Son effort inutile l’avait épuisé. On le dépouilla de sa robe pour le garrotter. En ce moment, un paquet cacheté tomba de ses vêtements.

— Qu’est cela ? dit le bourreau.

Une espérance infernale luisait dans l’œil hagard du condamné.

— Comment avais-je oublié cela ? murmura-t-il. — Écoute, frère Nychol, ajouta-t-il d’une voix presque amicale ; ces papiers appartiennent au grand-chancelier. Promets-moi de les lui remettre, et fais ensuite de moi ce que tu voudras.

— Puisque tu es tranquille maintenant, je te promets de remplir ta dernière intention, quoique tu viennes d’agir envers moi comme un mauvais frère. Ces papiers seront remis au chancelier, foi d’Orugix.

— Demande à les lui remettre toi-même, reprit le condamné en souriant au bourreau, qui, par sa nature, comprenait peu les sourires. Le plaisir qu’ils causeront à sa grâce te vaudra peut-être quelque faveur.

— Vrai, frère ? dit Orugix. Merci. Peut-être le diplôme d’exécuteur royal, n’est-ce pas ? Eh bien ! quittons-nous bons amis. Je te pardonne les coups d’ongles que tu m’as donnés ; pardonne-moi le collier de corde que tu vas recevoir de moi.

— Le chancelier m’avait promis un autre collier, répondit Musdœmon.

Alors les hallebardiers l’amenèrent garrotté au milieu du cachot ; le bourreau lui passa le fatal nœud coulant autour du cou.

— Turiaf, es-tu prêt ?

— Un instant ! un instant ! dit le condamné, auquel sa terreur était revenue ; de grâce, mon frère, ne tire pas la corde avant que je ne te le dise.

— Je n’aurai pas besoin de tirer la corde, répondit le bourreau.

Une minute après il répéta sa question :

— Es-tu prêt ?

— Encore un instant ! hélas ! il faut donc mourir !

— Turiaf, je n’ai pas le temps d’attendre.

En parlant ainsi, Orugix invitait les hallebardiers à s’éloigner du condamné.

— Un mot encore, frère ! n’oublie pas de remettre le paquet au comte d’Ahlefeld.