Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

feu était parti, pendant le sommeil des gardiens de Han d’Islande, du cachot du monstre, auquel on avait eu l’imprudence de donner de la paille et du feu.

— J’ai bien du malheur ! s’écria Orugix à ce récit ; voilà encore sans doute Han d’Islande qui m’échappe. Le misérable aura été brûlé ! et je n’aurai même plus son corps que j’ai payé deux ducats !

Cependant les malheureux arquebusiers de Munckholm, réveillés en sursaut par cette mort imminente, se pressaient en foule à la grande porte, embarrassée de funestes barricades ; on entendait du dehors leurs clameurs d’angoisse et de détresse ; on les voyait se tordre les bras aux fenêtres en feu ou se précipiter sur les dalles de la cour, évitant une mort dans une autre. La flamme victorieuse embrassait tout l’édifice, avant que le reste de la garnison eût eu le temps d’accourir. Tout secours était déjà inutile. Le bâtiment était heureusement isolé ; on se borna à enfoncer à coups de hache la porte principale ; mais ce fut trop tard, car au moment où elle s’ouvrait, toute la charpente embrasée du toit de la caserne s’écroula avec un long fracas sur les infortunés soldats, entraînant dans sa chute les combles et les étages incendiés. L’édifice entier disparut alors dans un tourbillon de poussière enflammée et de fumée ardente, où s’éteignaient quelques faibles clameurs.

Le lendemain matin, il ne s’élevait plus dans la cour carrée que quatre hautes murailles noires et chaudes encore, entourant un horrible amas de décombres fumants qui continuaient à se dévorer les uns les autres, comme des bêtes dans un cirque. Quand toute cette ruine fut un peu refroidie, on en fouilla les profondeurs. Sous une couche de pierres, de poutres et de ferrures tordues par le feu, reposait un amas d’ossements blanchis et de cadavres défigurés ; avec une trentaine de soldats, pour la plupart estropiés, c’était ce qui restait du beau régiment de Munckholm.

Lorsque en remuant les débris de la prison on arriva au cachot fatal d’où l’incendie était parti et que Han d’Islande avait habité, on y trouva les restes d’un corps humain, couché près d’un réchaud de fer, sur des chaînes rompues. On remarqua seulement que parmi ces cendres il y avait deux crânes, quoiqu’il n’y eût qu’un cadavre.