LI
Pâle et défait, le comte d’Ahlefeld se promène à grands pas dans son appartement ; il froisse dans ses mains un paquet de lettres qu’il vient de parcourir, et frappe du pied le marbre poli et les tapis à franges d’or.
À l’autre bout de l’appartement se tient debout, quoique dans l’attitude d’une prostration respectueuse, Nychol Orugix, vêtu de son infâme pourpre et son chapeau de feutre à la main.
— Tu m’as rendu service, Musdœmon ! murmure le chancelier entre ses dents, resserrées par la colère.
Le bourreau lève timidement son regard stupide :
— Sa grâce est contente ?
— Que veux-tu, toi ? dit le chancelier se détournant brusquement.
Le bourreau, fier d’avoir attiré un regard du chancelier, sourit d’espérance.
— Ce que je veux, votre grâce ? La place d’exécuteur à Copenhague, si votre grâce daigne payer par cette haute faveur les bonnes nouvelles que je lui apporte.
Le chancelier appelle les deux hallebardiers de garde à la porte de son appartement.
— Qu’on saisisse ce drôle, qui a l’insolence de me narguer.
Les deux gardes entraînent Nychol stupéfait et consterné, qui hasarde encore une parole :
— Seigneur…