Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/633

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
le poëte.

Un livre !… un livre !…

le philosophe.

Oui. — Et comme vous disiez tout à l’heure, monsieur, ce n’est point là de véritable esthétique. Je ne m’intéresse pas à une abstraction, à une entité pure. Je ne vois point là une personnalité qui s’adéquate avec la mienne. Et puis, le style n’est ni simple ni clair. Il sent l’archaïsme. C’est bien là ce que vous disiez, n’est-ce pas ?

le poëte.

Sans doute, sans doute. Il ne faut pas de personnalités.

le philosophe.

Le condamné n’est pas intéressant.

le poëte.

Comment intéresserait-il ? il a un crime et pas de remords. J’eusse fait tout le contraire. J’eusse conté l’histoire de mon condamné. Né de parents honnêtes. Une bonne éducation. De l’amour. De la jalousie. Un crime qui n’en soit pas un. Et puis des remords, des remords, beaucoup de remords. Mais les lois humaines sont implacables ; il faut qu’il meure. Et là j’aurais traité ma question de la peine de mort. À la bonne heure !

madame de blinval.

Ah ! ah !

le philosophe.

Pardon. Le livre, comme l’entend monsieur, ne prouverait rien. La particularité ne régit pas la généralité.

le poëte.

Eh bien ! mieux encore ; pourquoi n’avoir pas choisi pour héros, par exemple… Malesherbes, le vertueux Malesherbes ? son dernier jour, son supplice ? Oh ! alors, beau et noble spectacle ! J’eusse pleuré, j’eusse frémi, j’eusse voulu monter sur l’échafaud avec lui.

le philosophe.

Pas moi.