Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/709

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Je demandai à la vieille :

— Que faites-vous là ?

Elle ne répondit pas.

Je lui demandai :

— Qui êtes-vous ?

Elle ne répondit pas, ne bougea pas, et resta les yeux fermés.

Mes amis dirent :

— C’est sans doute la complice de ceux qui sont entrés avec de mauvaises pensées ; ils se sont échappés en nous entendant venir ; elle n’aura pu fuir et s’est cachée là.

Je l’ai interrogée de nouveau, elle est demeurée sans voix, sans mouvement, sans regard.

Un de nous l’a poussée à terre, elle est tombée.

Elle est tombée tout d’une pièce, comme un morceau de bois, comme une chose morte.

Nous l’avons remuée du pied, puis deux de nous l’ont relevée et de nouveau appuyée au mur. Elle n’a donné aucun signe de vie. On lui a crié dans l’oreille, elle est restée muette comme si elle était sourde.

Cependant, nous perdions patience, et il y avait de la colère dans notre terreur. Un de nous m’a dit :

— Mettez-lui la bougie sous le menton.

Je lui ai mis la mèche enflammée sous le menton. Alors elle a ouvert un œil à demi, un œil vide, terne, affreux, et qui ne regardait pas.

J’ai ôté la flamme et j’ai dit :

— Ah ! enfin ! répondras-tu, vieille sorcière ? Qui es-tu ?

L’œil s’est refermé comme de lui-même.

— Pour le coup, c’est trop fort, ont dit les autres. Encore la bougie ! encore ! il faudra bien qu’elle parle.

J’ai replacé la lumière sous le menton de la vieille.

Alors, elle a ouvert ses deux yeux lentement, nous a regardés tous les uns après les autres, puis, se baissant brusquement, a soufflé la bougie avec un souffle glacé. Au même moment j’ai senti trois dents aiguës s’imprimer sur ma main, dans les ténèbres.

Je me suis réveillé, frissonnant et baigné d’une sueur froide.

Le bon aumônier était assis au pied de mon lit, et lisait des prières.

— Ai-je dormi longtemps ? lui ai-je demandé.

— Mon fils, m’a-t-il dit, vous avez dormi une heure. On vous a amené votre enfant. Elle est là dans la pièce voisine, qui vous attend. Je n’ai pas voulu qu’on vous éveillât.

— Oh ! ai-je crié, ma fille, qu’on m’amène ma fille !