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NOTES DE L’ÉDITEUR.




I

HISTORIQUE DE CLAUDE GUEUX.


L’année même où Victor Hugo, dans sa dernière préface du Dernier Jour d’un Condamné, avait dressé son vigoureux réquisitoire contre la peine de mort, la même année, en juin 1832, on exécuta Claude Gueux à Troyes.

L’exemple viendra donc à l’appui de la doctrine ; mais c’est seulement le 6 juillet 1834 que Claude Gueux sera publié dans la Revue de Paris.

Ce n’est donc pas un roman, c’est une histoire vraie qui nécessairement ne se prête pas à de grands développements.

Victor Hugo n’est là qu’un historien. Il recueille les faits, il les rapporte en les présentant sous une forme saisissante.

Nous n’avons donc pas, comme pour les autres œuvres de Victor Hugo, œuvres d’imagination, toutes les notes qui permettaient de suivre la marche de l’œuvre, ou des lettres, des indications qui nous renseignaient sur les origines ; ici, c’est beaucoup plus simple. Victor Hugo n’avait qu’à puiser dans le compte rendu de la Gazette des Tribunaux du 19 mars 1832 pour avoir tous les éléments du drame qu’il plaçait sous les yeux des lecteurs. Là il constatait que Claude Gueux avait comparu devant la cour d’assises de Troyes le 16 mars, il trouvait tout le récit sur l’assassinat du gardien chef de la prison et même les paroles singulièrement tragiques que l’accusé prononçait devant ses juges et qu’il n’a pas utilisées, au moins dans leur texte authentique.

Les voici, telles qu’elles sont rapportées par la Gazette des Tribunaux :

Je l’ai assassiné (le gardien chef), je l’avoue. Mais vous, Messieurs du jury, lorsque, tranquilles sur vos sièges, vous entendez dire que j’ai frappé sans provocation parce que Delacelle (le gardien chef) n’a pas levé une hache sur ma tête, vous ne comprenez pas ce qu’il y a d’horrible, d’atroce dans les douleurs d’une faim continuelle, tout ce qu’il y a de barbare dans ce supplice auquel on m’avait condamné après avoir épuisé tous les supplices. J’avais faim, on me refusa à manger ; j’avais un ami, on lui refusa de me parler. Je nourrissais, moi affamé, mon père du fruit de mon travail, on me fait passer dans un atelier où je ne gagne plus rien. J’ai juré vengeance, car j’étais provoqué, provoqué pendant six ans, à toute heure du jour. J’ai tenu mon serment ; et ceux qui m’accusent aujourd’hui, parce qu’ils ne tremblent plus devant moi, n’ont sur moi d’autre avantage que leur lâcheté ; ils ont applaudi à mon crime et n’avaient pas osé le commettre.

Victor Hugo a écrit :

Il paraît que ce pauvre ouvrier contenait bien plutôt un orateur qu’un assassin.

L’accusé avait été, en effet, comme on a pu le constater, vraiment éloquent dans sa poignante colère. Si on lit la Gazette des Tribunaux, et si on compare le compte rendu au récit de Victor