X
Tu le sais, le cœur d’une mère
Est inépuisable en douleur.
La comtesse d’Ahlefeld venait de quitter l’insomnie de la nuit pour celle du jour. À demi couchée sur un sopha, elle rêvait aux arrière-goûts amers des jouissances impures, au crime qui use la vie par des joies sans bonheur et des douleurs sans consolation. Elle songeait à ce Musdœmon, que de coupables illusions lui avaient jadis peint si séduisant, si affreux maintenant qu’elle l’avait pénétré et qu’elle avait vu l’âme à travers le corps. La misérable pleurait, non d’avoir été trompée, mais de ne pouvoir plus l’être ; de regret, non de repentir ; aussi ses pleurs ne la soulageaient-ils pas. En ce moment sa porte s’ouvrit ; elle essuya en hâte ses yeux, et se retourna irritée d’être surprise, car elle avait ordonné qu’on la laissât seule. Sa colère se changea à l’aspect de Musdœmon en un effroi qu’elle apaisa pourtant en le voyant accompagné de son fils Frédéric.
— Ma mère ! s’écria le lieutenant, comment donc êtes-vous ici ? Je vous croyais à Bergen. Est-ce que nos belles dames ont repris la mode de courir les champs ?
La comtesse accueillit Frédéric avec des embrassements auxquels, comme tous les enfants gâtés, il répondit assez froidement. C’était peut-être la plus sensible des punitions pour cette malheureuse. Frédéric était son fils chéri, le seul être au monde pour lequel elle conservât une affection désintéressée ; car souvent, dans une femme dégradée, même quand l’épouse a disparu, il reste encore quelque chose de la mère.