Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome II.djvu/361

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— Le reste ? dit l’archidiacre.

— Hélas ! très cher frère, je voudrais bien me ranger à une meilleure vie. Je viens à vous, plein de contrition. Je suis pénitent. Je me confesse. Je me frappe la poitrine à grands coups de poing. Vous avez bien raison de vouloir que je devienne un jour licencié et sous-moniteur du collège de Torchi. Voici que je me sens à présent une vocation magnifique pour cet état. Mais je n’ai plus d’encre, il faut que j’en rachète ; je n’ai plus de plumes, il faut que j’en rachète ; je n’ai plus de papier, je n’ai plus de livres, il faut que j’en rachète. J’ai grand besoin pour cela d’un peu de finance. Et je viens à vous, mon frère, le cœur plein de contrition.

— Est-ce tout ?

— Oui, dit l’écolier. Un peu d’argent.

— Je n’en ai pas.

L’écolier dit alors d’un air grave et résolu en même temps : — Eh bien, mon frère, je suis fâché d’avoir à vous dire qu’on me fait d’autre part de très belles offres et propositions. Vous ne voulez pas me donner d’argent ? — Non ? — En ce cas, je vais me faire truand.

En prononçant ce mot monstrueux, il prit une mine d’Ajax, s’attendant à voir tomber la foudre sur sa tête.

L’archidiacre lui dit froidement : — Faites-vous truand.

Jehan le salua profondément et redescendit l’escalier du cloître en sifflant.

Au moment où il passait dans la cour du cloître sous la fenêtre de la cellule de son frère, il entendit cette fenêtre s’ouvrir, leva le nez et vit passer par l’ouverture la tête sévère de l’archidiacre. — Va-t’en au diable ! disait dom Claude ; voici le dernier argent que tu auras de moi.

En même temps, le prêtre jeta à Jehan une bourse qui fit à l’écolier une grosse bosse au front, et dont Jehan s’en alla à la fois fâché et content, comme un chien qu’on lapiderait avec des os à moelle.