Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome II.djvu/434

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Le bourreau examina les ongles de la mère, et n’osa pas.

— Dépêche ! cria Tristan qui venait de ranger sa troupe en cercle autour du Trou aux Rats et qui se tenait à cheval près du gibet.

Henriet revint au prévôt encore une fois, tout embarrassé. Il avait posé sa corde à terre, et roulait d’un air gauche son chapeau dans ses mains. — Monseigneur, demanda-t-il, par où entrer ?

— Par la porte.

— Il n’y en a pas.

— Par la fenêtre.

— Elle est trop étroite.

— Élargis-la, dit Tristan avec colère. N’as-tu pas des pioches ?

Du fond de son antre, la mère, toujours en arrêt, regardait. Elle n’espérait plus rien, elle ne savait plus ce qu’elle voulait, mais elle ne voulait pas qu’on lui prît sa fille.

Henriet Cousin alla chercher la caisse d’outils des basses œuvres sous le hangar de la Maison-aux-Piliers. Il en retira aussi la double échelle qu’il appliqua sur-le-champ au gibet. Cinq ou six hommes de la prévôté s’armèrent de pics et de leviers, et Tristan se dirigea avec eux vers la lucarne.

— La vieille, dit le prévôt d’un ton sévère, livre-nous cette fille de bonne grâce.

Elle le regarda comme quand on ne comprend pas.

— Tête-Dieu ! reprit Tristan, qu’as-tu donc à empêcher cette sorcière d’être pendue comme il plaît au roi ?

La misérable se mit à rire de son rire farouche.

— Ce que j’y ai ? C’est ma fille.

L’accent dont elle prononça ce mot fit frissonner jusqu’à Henriet Cousin lui-même.

— J’en suis fâché, repartit le prévôt. Mais c’est le bon plaisir du roi.

Elle cria en redoublant son rire terrible : — Qu’est-ce que cela me fait, ton roi ? Je te dis que c’est ma fille !

— Percez le mur, dit Tristan.

Il suffisait, pour pratiquer une ouverture assez large, de desceller une assise de pierre au-dessous de la lucarne. Quand la mère entendit les pics et les leviers saper sa forteresse, elle poussa un cri épouvantable, puis elle se mit à tourner avec une vitesse effrayante autour de sa loge, habitude de bête fauve que la cage lui avait donnée. Elle ne disait plus rien, mais ses yeux flamboyaient. Les soldats étaient glacés au fond du cœur.

Tout à coup elle prit son pavé, rit, et le jeta à deux poings sur les travailleurs. Le pavé, mal lancé, car ses mains tremblaient, ne toucha personne, et vint s’arrêter sous les pieds du cheval de Tristan. Elle grinça des dents.