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PRÉFACE PHILOSOPHIQUE.

rence avec quoi ? avec Pan ; avec Tout. Car le propre de la solidarité, c’est de ne point admettre d’exclusion. Si la solidarité est vraie, elle est nécessairement générale. Toute vérité est une lueur de l’absolu.

Rien n’est solitaire, tout est solidaire.

L’homme est solidaire avec la planète, la planète est solidaire avec le soleil, le soleil est solidaire avec l’étoile, l’étoile est solidaire avec la nébuleuse, la nébuleuse, groupe stellaire, est solidaire avec l’infini. Ôtez un terme de cette formule, le polynôme se désorganise, l’équation chancelle, la création n’a plus de sens dans le cosmos et la démocratie n’a plus de sens sur la terre. Donc, solidarité de tout avec tout, et de chacun avec chaque chose. La solidarité des hommes est le corollaire invincible de la solidarité des univers. Le lien démocratique est de même nature que le rayon solaire.

Et, comme le vrai ne vit sur un point qu’à la condition de vivre sur tous, pour que l’homme soit solidaire avec l’homme, il faut qu’il soit solidaire avec l’infini. Solidaire, oui, mais de quelle façon ? Est-ce par la chair ? Non. D’abord, aucune parcelle de la chair ne contient l’entité humaine ; ensuite, la chair est bornée ; la chair meurt. Par quoi donc ? Par autre chose qui ne meurt pas. Il faut, redisons-le pour nous faire bien comprendre, que l’homme se rattache à ce qui n’est pas la terre, sans quoi il y aurait une lacune dans ce qui n’admet pas de lacune, dans le Tout. Or, pour que l’homme puisse se rattacher à ce qui n’est pas la terre, il faut qu’il y ait dans l’homme quelque chose qui ne soit pas de la terre. Ce quelque chose, qu’est-ce donc ?

C’est l’atome moral.

C’est l’être conscient et un, qui échappe à la pourriture parce qu’il est indivisible comme atome, et à la gravitation parce qu’il est impondérable comme essence ; c’est le moi, point géométrique du cerveau ; c’est l’âme.

Le cerveau s’écroule ; ceci s’en va. Où ? Dans le prodigieux réceptacle du moi impérissable, dans la solidarité pensante de la création, dans le rendez-vous des consciences, distinctes, quoique en communion ; dans le lieu d’équilibre des libertés et des responsabilités ; dans la vaste égalité de la lumière universelle où les âmes sont les oiseaux des astres, dans l’infini.

C’est après la mort que l’homme, transfiguré, compare les mondes. (Et ce que nous disons ici de l’homme, il faut le dire de tous les êtres de même nature que l’homme, probablement semés dans tous les globes de même nature que la terre.) C’est après la mort que l’homme, créature agrandie, de terrestre qu’il était, devient cosmique.

Si les créations semées dans l’espace étaient isolées, l’univers serait monstrueux. Ce ne serait autre chose que le plus grand des tourbillons de poussière. Or l’univers est un avant d’être divers. Qui dit Unité, dit Union ; qui dit Union, dit Communion ; qui dit Communion, dit Communica-