III
BOURDONNEMENT DE PAYSANS.
Michelle Fléchard était mêlée à la foule. Elle n’avait rien écouté, mais ce qu’on n’écoute pas, on l’entend. Elle avait entendu ce mot, la Tourgue.
Elle dressait la tête.
— Hein ? répéta-t-elle, la Tourgue ?
On la regarda. Elle avait l’air égaré. Elle était en haillons. Des voix murmurèrent : — Ça a l’air d’une brigande.
Une paysanne qui portait des galettes de sarrasin dans un panier s’approcha et lui dit tout bas :
— Taisez-vous.
Michelle Fléchard considéra cette femme avec stupeur. De nouveau elle ne comprenait plus. Ce nom, la Tourgue, avait passé comme un éclair, et la nuit se refaisait. Est-ce qu’elle n’avait pas le droit de s’informer ? Qu’est-ce qu’on avait donc à la regarder ainsi ?
Cependant le tambour avait battu un dernier ban, l’afficheur avait collé l’affiche ; le maire était rentré dans la mairie, le crieur était parti pour quelque autre village, et l’attroupement se dispersait.
Un groupe était resté devant l’affiche. Michelle Fléchard alla à ce groupe.
On commentait les noms des hommes mis hors la loi.
Il y avait des paysans et des bourgeois, c’est-à-dire des blancs et des bleus.
Un paysan disait :
— C’est égal, ils ne tiennent pas tout le monde. Dix-neuf, ça n’est que dix-neuf. Ils ne tiennent pas Priou, ils ne tiennent pas Benjamin Moulins, ils ne tiennent pas Goupil, de la paroisse d’Andouillé.
— Ni Lorieul, de Monjean, dit un autre.
D’autres ajoutèrent :
— Ni Brice-Denys.
— Ni François Dudouet.
— Oui, celui de Laval.
— Ni Huet, de Launey-Villiers.
— Ni Grégis.
— Ni Pilon.
— Ni Filleul.
— Ni Ménicent.
— Ni Guéharrée.