Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/309

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que les autres. Le coup de canon d’avertissement avait été tiré un peu avant le coucher du soleil, et la Tourgue avait été abordée par la colonne d’attaque une demi-heure après, entre sept et huit heures, à la nuit tombante. Ainsi, ce colossal combat, commencé à huit heures, était fini à dix. Toute cette épopée avait duré cent vingt minutes. Quelquefois une rapidité d’éclair est mêlée aux catastrophes. Les événements ont des raccourcis surprenants.

En y réfléchissant, c’est le contraire qui eût pu étonner ; une résistance de deux heures d’un si petit nombre contre un si grand nombre était extraordinaire, et certes elle n’avait pas été courte, ni tout de suite finie, cette bataille de dix-neuf contre quatre mille.

Cependant il était temps de s’en aller, Halmalo devait être loin, et le marquis jugea qu’il n’était pas nécessaire de rester là plus longtemps. Il remit sa montre dans sa veste ; non dans la même poche, car il venait de remarquer qu’elle y était en contact avec la clef de la porte de fer que lui avait rapportée l’Imânus, et que le verre de sa montre pouvait se briser contre cette clef ; et il se disposa à gagner à son tour la forêt.

Comme il allait prendre à gauche, il lui sembla qu’une sorte de rayon vague pénétrait jusqu’à lui.

Il se retourna, et, à travers les broussailles nettement découpées sur un fond rouge et devenues tout à coup visibles dans leurs moindres détails, il aperçut une grande lueur dans le ravin. Il y marcha, puis se ravisa, trouvant inutile de s’exposer à cette clarté, quelle qu’elle fût ; ce n’était pas son affaire après tout ; il reprit la direction que lui avait montrée Halmalo et fit quelques pas vers la forêt.

Tout à coup, profondément enfoui et caché sous les ronces, il entendit sur sa tête un cri terrible ; ce cri semblait partir du rebord même du plateau au-dessus du ravin. Le marquis leva les yeux, et s’arrêta.