Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/442

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Le fragment suivant, qui porte comme les autres l’indication 93 offre encore quelque analogie avec le dénouement des Trouvailles de Gallus et prouve qu’il y avait plus d’une intrigue amoureuse dans le premier projet de roman :

Ne vous ai-je pas respectée, dites ? Je ne vous ai pas touchée.

— Ah ! lui cria-t-elle avec un regard où il y avait une flamme qui ressemblait à la haine, laissez-moi. Vous ne m’avez pas touchée, vous m’avez perdue. Grâce à vous et par vous, je suis une malheureuse. Vous êtes le serpent et je suis Ève. Je ne sais plus rien, je ne crois plus rien. Je ne suis plus une chrétienne, je ne sais plus si je suis une femme, je n’ai plus de religion, je n’ai plus de honte, c’est fini, et ce qui est horrible, je vous aime !


le château de mauvaise.

Pas de date à cette première esquisse du château qui, transformé, deviendra la Tourgue. Mais la note suivante, en marge de cette description, permet de la situer en 1863[1] :

Elz. Peindre. Puis l’arrivée par la plaine, Clairvaux. — Puis l’arrivée par la mer. — La Tour Mauvaise.

On remarquera que l’apparition du château, comme celle de la Tourgue, se fait toujours d’une façon inattendue, et qu’il y a toujours, entre le château et le chemin qui y conduit, un ravin profond, utile dans le roman.

On arrivait au château de Mauvaise de trois façons.

Du côté de la montagne, du côté de la plaine et du côté de la mer.

La plaine comme la montagne était couverte de forêt.

Du côté de la montagne, — il faut entendre ici simplement par ce mot ces hautes ondulations de terrain que la Bretagne a quelquefois dans le voisinage de l’Océan, — l’abord était sauvage. L’arrivée était féroce.

Une percée dans la broussaille. Pas de route ; un sentier tortueux dans le crépuscule des feuillages, plutôt scié par le torrent dans le granit que façonné par la pioche. C’était quelque chose comme la trouée d’un loup vers sa tanière. Tant bien que mal le piéton cheminait. Le cavalier devait se baisser à chaque instant à cause des branches. Le va-et-vient du sentier, courbant ses coudes et étageant ses zigzags sur la pente hérissée d’herbes et d’arbres, imitait parfois dans sa sauvagerie l’arrangement pittoresque d’un décor et ressemblait à ce qu’on nomme en style de théâtre un praticable. Le fourré complétait la futaie ; la végétation haute et basse s’entr’aidait pour empêcher ; on sentait dans cette ombre on ne sait quelle intention de barrer le passage ; il y avait dans les racines et dans les branches assez de griffes pour qu’on pût dire que l’obstacle se prêtait de toutes parts main-forte contre le

  1. Voir dans cette édition : En voyage, t. ii, p. 503.