Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome V.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
LES MISÉRABLES. — L’IDYLLE RUE PLUMET.

— Quel dentiste ! dit-il.

Montparnasse ajouta quelques détails sur l’évasion de Babet, et termina par :

— Oh ! ce n’est pas tout.

Gavroche, tout en écoutant, s’était saisi d’une canne que Montparnasse tenait à la main ; il en avait machinalement tiré la partie supérieure, et la lame d’un poignard avait apparu.

— Ah ! fit-il en repoussant vivement le poignard, tu as emmené ton gendarme déguisé en bourgeois.

Montparnasse cligna de l’œil.

— Fichtre ! reprit Gavroche, tu vas donc te colleter avec les cognes ?

— On ne sait pas, répondit Montparnasse d’un air indifférent. Il est toujours bon d’avoir une épingle sur soi.

Gavroche insista :

— Qu’est-ce que tu vas donc faire cette nuit ?

Montparnasse prit de nouveau la corde grave et dit en mangeant les syllabes :

— Des choses.

Et, changeant brusquement de conversation :

— À propos !

— Quoi ?

— Une histoire de l’autre jour. Figure-toi. Je rencontre un bourgeois. Il me fait cadeau d’un sermon et de sa bourse. Je mets ça dans ma poche. Une minute après, je fouille dans ma poche. Il n’y avait plus rien.

— Que le sermon, fit Gavroche.

— Mais toi, reprit Montparnasse, où vas-tu donc maintenant ?

Gavroche montra ses deux protégés et dit :

— Je vas coucher ces enfants-là.

— Où ça, coucher ?

— Chez moi.

— Où ça chez toi ?

— Chez moi.

— Tu loges donc ?

— Oui, je loge.

— Et où loges-tu ?

— Dans l’éléphant, dit Gavroche.

Montparnasse, quoique de sa nature peu étonné, ne put retenir une exclamation :

— Dans l’éléphant !

— Eh bien oui, dans l’éléphant ! repartit Gavroche. Kekçaa ?