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LE MANUSCRIT DES MISÉRABLES.

parfaitement vert, l’autre dans le goulot d’une carafe fêlée. Nom devons à la vérité de dire que vers deux heures après-midi, Joly et Grantaire étaient prodigieusement gais. Ils trinquaient, et Grantaire à cheval sur un tabouret, sa cravate défaite, les deux bras étendus, le verre à la main, jetait à la grosse servante Laure[1] ces paroles solennelles : — Qu’on ouvre les portes du palais ! Que tout le monde soit de l’Académie française, et ait le droit d’embrasser madame Hucheloup ! Buvons !

Et Joly s’écriait :

Qui donc a décroché les étoiles sans ma permission ?


Le verso du feuillet 246 s’enchaînait au feuillet actuellement numéroté 261.


Feuillet 261. — III.


Quelques ratures sous lesquelles nous découvrons l’antipathie de Victor Hugo pour les parapluies :


Bossuet était descendu au-devant de Courfeyrac.

Tiens ! dit Laigle de Meaux, tu vas t’enrhumer. Pas de parapluie !

Courfeyrac haussa les épaules. L’école romantique, dont il était, a toujours haï et méprisé les parapluies.

Un parapluie ! fit-il, jamais ! plutôt la tombe !

Tu as tort, dit Bossuet, c’est élégant. Tu ne connais donc pas le grand chic anglais, un immense riflard ?


Le texte de 1848 se poursuit jusqu’à : Va dormir ailleurs ! cria Enjolras.

Après quoi nous trouvons une intercalation de trois feuillets, constituant en grande partie le chapitre iv. L’écriture de 1848 reprend au feuillet 264.


Feuillet 271. — VI. En attendant.

Les vers qui font de ce chapitre un des plus charmants du roman, n’étaient pas d’abord destinés aux Misérables. La double feuille qui les contient est datée au bas 12 9bre 1846, et porte en tête, outre le titre : Chanson, cette mention, d’une grosse écriture : Ajouter Prouvaire à l’énumération des insurgés. Il semble que ce dernier personnage ait été créé pour mêler un peu de poésie à cette sombre épopée. En marge de la chanson, et d’une encre plus noire, sans doute en 1848, Victor Hugo a ébauché les quelques lignes d’en-tête du chapitre vi ; puis, en 1860-1862, il a biffé le tout, placé avant l’ancienne version deux feuillets sur lesquels il a récrit le début, recopié les vers à l’encre rouge, et terminé son chapitre. Deux strophes offrent quelques variantes ; nous les donnons en petits caractères au-dessus du texte imprimé :


Nous vivions cachés, contents, porte close. toi, coquette, rose,
Dévorant l’amour, bon fruit défenduFolle, tendre, et moi, d’amour éperdu.

La première fois qu’en mon joyeux Oh ! le premier jour qu’en mon charmant bouge
  1. Premier nom de l’unique servante de Corinthe, le personnalise Je Gibelotte ayant été ajouté plus tard.